Au lendemain des négociation avec la grande distribution, l’inflation, ne montrant pour le moment aucun signe de répit, pèse lourdement sur la stratégie des industriels des produits de grande consommation (PGC). Les ajustements des consommateurs, guidés par la prudence budgétaire, l’influence digitale et, en partie, l’impact environnemental, imposent une révision critique des modèles de distribution. Industriels PGC et force de vente, en quoi le numérique, l’inflation et le consommateur les obligent à revoir leurs stratégies ?
Les entreprises du secteur doivent composer avec des équations complexes. Dans ce bouleversement économique qui dépasse nos frontières, est-ce le temps de la sobriété et des plans de coupe pour les industriels ? Ou une opportunité de pivoter vers une distribution encore plus efficace ?
Octobre 2023 marque un tournant dans l’économie française, caractérisé par une inflation persistante qui a remodelé les habitudes de consommation. Les données de l’INSEE révèlent une augmentation de 4,0 % des prix à la consommation, avec une influence notable dans le secteur alimentaire (+7,7 %). Cette tendance n’est pas sans conséquence sur le secteur des produits de grande consommation, où les forces de vente sont confrontées à des défis inédits.
L’étude d’Appinio a révélé que les Français ajustent leurs habitudes alimentaires en réponse à ces changements économiques, avec une tendance à la réduction de la consommation de viande/poisson chez environ 34 % des répondants, en raison de préoccupations économiques et de santé. En parallèle, l’impact environnemental devient un facteur de plus en plus prépondérant dans les choix des consommateurs, comme le montre l’augmentation de l’achat de substituts de viande et de produits laitiers d’origine végétale.
Le rapport de The NPD Group souligne que, malgré une croissance en valeur de 5,8 % dans le secteur FMCG en 2022, cette croissance est principalement attribuable à l’inflation et cache une baisse globale en volume des ventes unitaires. Cette situation a conduit à l’émergence des « prosumers » – des consommateurs plus conscients des prix et astucieux, qui adaptent leur comportement d’achat pour modérer l’impact des augmentations de prix sur leur budget. Ces changements comprennent une augmentation significative de la comparaison des prix et de l’évaluation de la quantité à consommer.
Le rapport de Kantar « Valeurs et plaisirs coupables » ajoute une autre dimension à cette analyse. Il montre que seulement 39% des consommateurs envisagent de changer leurs habitudes de consommation malgré une prise de conscience des impacts environnementaux et sociaux. Ce rapport met en évidence un comportement paradoxal et entre autres chez les jeunes consommateurs, qui sont conscients de l’impact négatif de leur consommation, mais continuent d’acheter dans certaines catégories. Ce comportement pose un défi aux forces de vente qui doivent équilibrer les attentes des consommateurs avec la promotion de pratiques durables.
Face à ces réalités, les forces de vente doivent faire preuve d’une adaptabilité et d’une compréhension profonde des nouvelles dynamiques de consommation. La clé réside dans la capacité à naviguer dans un paysage où l’équilibre entre les attentes économiques, environnementales et sociales des consommateurs devient de plus en plus complexe. Alors que le secteur s’oriente vers l’avenir, la question de l’innovation dans les stratégies de vente et la nécessité d’anticiper les évolutions futures se pose avec acuité, ouvrant ainsi la porte au prochain chapitre de cette exploration.
À l’aube de 2030, le secteur des produits de grande consommation, le frais libre-service de même que les forces de vente terrain connaissent une nouvelle vague d’adaptation technologique. L’innovation numérique, loin d’être un simple horizon futur, s’inscrit déjà dans le quotidien, redéfinissant les métiers, les organisations, l’expérience client et les stratégies de vente.
Au cœur de cette évolution, les industriels des PGC font évoluer leurs outils d’analyses, capables de quantifier précisément l’impact de chaque interaction avec les clients en ligne ou en point de vente. La difficulté toujours existante reste d’établir le lien digital et physique. Cette rupture existe encore dans le parcours d’achat des consommateurs et l’IA, ainsi que les progrès du secteur du numérique, permettront-ils de lever cette barrière ? En effet, cette transformation appuie l’accélération notable : 61% des consommateurs déclarent un parcours Mixte Physique et Digital. Akeneo suit l’évolution des comportements depuis 2021 et dans son dernier rapport affiche que 84% des consommateurs effectuent des recherches en ligne sur des produits avant de les acheter hors ligne, tandis que 77% consultent des produits en magasin, mais les achètent finalement en ligne. Les actions en commerce physique conservent une importance dans le parcours des consommateurs.
De son côté, les forces de vente terrain bénéficient également de ces avancées, notamment grâce à l’intelligence artificielle (IA) pour optimiser leurs tournées et la planification des visites en point de vente et ainsi cibler les enseignes à fort potentiel. Cette évolution s’accompagne d’un engouement des clients pour les offres personnalisées et les dispositifs digitaux en magasin. Nous sommes témoins du virage déjà bien engagé d’une expérience client « phygitale », mêlant les interactions physiques et digitales.
L’intégration de l’intelligence artificielle et de l’analyse géolocalisée dans les stratégies de vente permet donc d’optimiser les itinéraires, réduisant ainsi le temps de trajet et l’empreinte carbone. Cette démarche s’inscrit dans les théories d’efficacité opérationnelle de Michael Porter. L’adoption de l’IA dans la planification des circuits de vente offre un retour sur investissement notable, avec une réduction de 20 % des kilomètres parcourus et une diminution de 25 % des émissions de gaz à effet de serre. Ces améliorations renforcent non seulement l’efficacité opérationnelle, l’amélioration des résultats, tout en contribuant à une plus grande responsabilité environnementale.
Par ailleurs, l’intelligence artificielle et la business intelligence jouent un rôle clé dans le ciblage des efforts de vente, en accord avec les théories de segmentation du marché de Philip Kotler. Des analyses de données, telles que celles menées par NielsenIQ, montrent qu’une stratégie de vente basée sur les données peut générer jusqu’à 10 % de part de marché supplémentaire. De tels chiffres engagent les industriels et professionnels de la vente à exploiter ces données pour affiner leurs stratégies commerciales et optimiser la distribution. Une pratique déjà bien ancrée depuis des décennies, mais aujourd’hui améliorée avec la démocratisation de l’intelligence artificielle.
Les innovations numériques sont le moteur d’une transformation profonde dans l’industrie des PGC. L’« omnicanalité » et l’expérience client « phygitale » deviennent des piliers centraux, influençant les industriels et les équipes de vente de s’adapter à ces évolutions pour répondre aux attentes changeantes des consommateurs dans un marché en perpétuelle mutation. Toutefois, les marques sont impactées à différents niveaux par un contexte économique global peu propice. Prioriser les investissements et faire des choix stratégiques afin de maintenir leurs résultats impliquent des économies voire des coupes importantes. Faut-il rogner sur sa présence en point de vente, dégrader ses équipes de vente terrain, potentiellement sa couverture nationale ou ralentir sa R&D ? Quelles solutions s’offrent aux industriels pour trouver un compromis ou une meilleure organisation ?
Nous pourrions faire une analyse et une proposition de différentes solutions pour répondre aux questions précédentes. Toutefois, restons concentrés sur notre pôle d’expertise. Et répondons à cette question : face à l’inflation et aux évolutions des comportements des consommateurs, l’externalisation des forces de vente terrain pour les marques de Produits de Grande Consommation (PGC) est-elle une réelle solution organisationnelle, opérationnelle et génératrice de résultats ?
Un des défis portés par les experts reste la transformation de l’externalisation à passer d’un mécanisme de « cost-killer » à celui de créateur de valeur. De fait, l’externalisation commerciale n’échappe pas à ce positionnement de valeur ajoutée. Elle permet aux entreprises d’ajuster leur force de vente en fonction des besoins saisonniers, des lancements de produits, ou des fluctuations du marché. Cette souplesse est vitale dans un environnement commercial en constante évolution.
Les actions couvertes par les métiers des forces de vente terrain en outsourcing se présente sous deux formes principales : la forme permanente, dite aussi stratégique, pour assurer la commercialisation et la couverture des points de vente toute l’année. Cette organisation répond aussi bien aux besoins des marques en fort développement qui font le choix de ne pas constituer une équipe interne ou d’un besoin de compléter les équipes existantes. Ce fonctionnement offre aux entreprises une meilleure ventilation des budgets, notamment en repositionnant en priorité sur les pôles innovation et marketing. La deuxième forme de l’externalisation commerciale est dite tactique ou ponctuelle. Ce choix est mis en place pour des opérations ponctuelles, adaptées aux pics de vente, saisonnalité et lancement de produits.
L’utilisation des forces de vente outsourcées à l’avantage d’élargir la couverture de ses réseaux de distribution. À l’image de Moët Hennessy Diageo, qui utilise efficacement des commerciaux externes permanents pour optimiser les ventes au sein des enseignes de commerces de proximité. Cette décision stratégique permet une optimisation tangible des ventes, démontrant son efficacité dans le renforcement des réseaux de distribution.
En externalisant la force de vente terrain, les entreprises bénéficient de l’expertise de professionnels spécialisés dans la vente et le marketing opérationnel. Ces experts apportent des connaissances approfondies du marché et des compétences en négociation et merchandising, cruciales pour naviguer dans un environnement concurrentiel intense. L’externalisation contribue également à l’amélioration du service client, en permettant l’accès à une technologie de pointe pour retranscrire l’efficacité des actions terrain tout comme l’analyse des données et la projection stratégique des résultats. Une dernière question subsiste, investir aujourd’hui pour améliorer sa visibilité et sa différenciation en point de vente, est-ce une bonne stratégie ?
Comme le soulignent les rapports de l’INSEE, les coûts opérationnels pour les entreprises grimpent en flèche. Cette pression financière oblige les entreprises à chercher des solutions pour optimiser leurs dépenses. Comment peuvent-elles alors remodeler la gestion de leurs ressources pour conserver leur compétitivité sur le marché ? C’est ici que l’externalisation de la force de vente prend tout son sens, en tant que stratégie permettant une réelle transformation opérationnelle.
L’adaptabilité rapide aux fluctuations du marché, un principe au cœur de la théorie de la flexibilité compétitive, trouve en partie une réponse par cette démarche. Popularisée par le professeur Robert H. Hayes, elle prend tout son sens et suggère que la capacité d’une entreprise à s’adapter rapidement à son environnement est essentielle pour maintenir un avantage concurrentiel. Que ce soit en ligne ou en point de vente, ce principe appuie que l’externalisation de la force de vente est un moyen stratégique pour améliorer cette agilité.
La transformation des coûts fixes en coûts variables n’est pas seulement avantageuse, elle est vitale. L’externalisation offre cette flexibilité financière, réduisant les dépenses liées à la gestion de la force de vente et permettant ainsi de redéployer les ressources de manière plus stratégique. Les analyses publiées dans la Harvard Business Review mettent en lumière l’importance d’une telle stratégie dans des environnements économiques complexes et hautement compétitifs.
Mais comment façonner les habitudes des consommateurs, en particulier dans un climat où la sensibilité aux prix est exacerbée par l’inflation ? Une expérience client de qualité devient un enjeu, voire un impératif. Des études de Nielsen montrent qu’une force de vente bien formée et en phase avec les valeurs de la marque peut effectivement augmenter la satisfaction et la fidélité des clients. Si nous reprenons les raisons des entreprises à externaliser tout ou partie d’un service, l’expertise, l’excellence et l’efficacité sont citées par la moitié des répondants. Une force de vente externalisée ou supplétive représente une voie claire pour les industriels cherchant à se différencier sur le marché.
Loin de se résumer à une manœuvre pour contrer l’inflation du moment, l’externalisation de la force de vente représente pour les industriels en grande distribution un pivot stratégique vers une croissance durable. En privilégiant cette voie, ils embrassent une flexibilité qui leur permet de se mouvoir avec agilité dans le spectre changeant de l’économie globale. Les principes économiques solides et les stratégies d’externalisation judicieuses se révèlent être les piliers sur lesquels ils peuvent s’appuyer. Ce n’est que le début d’une réflexion plus large sur la manière dont les entreprises peuvent se réinventer en permanence pour rester à l’avant-garde dans un marché mondial en constante évolution
Alors que la situation économique et l’accès au digital accélèrent la transformation des comportements d’achat, l’industrie des produits de grande consommation (PGC) et leurs forces de vente terrain se retrouvent à un carrefour stratégique. Orienter ses stratégies uniquement sur le client ne suffit plus, l’inflation et la pression écologique ont déjà obligé les industriels à procéder à des coupes dans les investissements ou en R&D. Cette pratique ou ce réflexe naturel pour une survie sur un marché mouvant et souvent saturé s’explique, mais n’est en rien une solution dans le long terme. L’adaptabilité, la flexibilité et une Intelligence Prédictionnelle s’affichent comme des approches pertinentes et couvrant l’omnicanalité des interactions et des achats. Parmi les solutions opérationnelles en point de vente, l’externalisation des forces de vente, enrichie par l’expertise et la technologie, apparaît non seulement comme un levier efficace, mais aussi comme une stratégie à potentiel de croissance. Cette solution offre aux marques la possibilité non seulement de répondre aux défis immédiats, mais également de se projeter à long terme dans un marché en mouvement constant. Même si d’autres leviers sont à activer en complémentarité, une certitude que nous a apprise l’histoire, ce n’est pas forcément la taille qui garantit la survie d’une marque, mais la capacité d’une entreprise à savoir pivoter aujourd’hui.