Les habitudes d’achats des consommateurs n’ont cessé d’évoluer ces dernières années et les marques doivent aujourd’hui faire face à des consommateurs de plus en plus sensibles aux questions environnementales. Cependant les enseignes de distributions disposent elles des moyens et de la légitimité nécessaire à l’appropriation de ces valeurs écologiques ?
Un peu plus d’un an après et avec l’impact de la crise sanitaire, les exigences des consommateurs en matière de développement durable et d’engagement écologique se sont encore accentuées. La loi relative à la lutte contre le gaspillage et l’économie circulaire adoptée en France début 2020 a donné par ailleurs un grand coup d’accélérateur à la transition écologique.
Pour les marques, il s’agit de trouver de nouveaux débouchés sur d’autres marchés ou de donner de nouvelles vies aux invendus en passant par des organismes de collecte de matériaux usagés comme Re-fashion pour le textile qui les réintègre dans une économie circulaire. Le recyclage, qui implique la séparation de matériaux divers reste toutefois un exercice compliqué et coûteux.
Selon une étude Ecommercemag réalisée en 2021 auprès de 14 000 consommateurs dans une vingtaine de pays, les Français prennent davantage en compte des critères de développement durable dans leurs achats (61%) que ceux des autres pays développés. Avec des préoccupations prioritairement environnementales citées à plus de 80%, cet engagement en faveur du développement durable est particulièrement notoire auprès des jeunes générations plus susceptibles d'éviter d'acheter des produits issus de marques ne répondant pas à leurs attentes. En effet, 41% d'entre eux ont cessé d'acheter ou achètent moins auprès de marques qui à leur égard n’agissent pas suffisamment en faveur de l'environnement (contre seulement 15% chez les plus âgés) De plus, 35% se disent prêt à payer plus cher pour des produits revendiquant leur engagement contre seulement 13% chez les plus âgés
Régulièrement interpellées par les associations, les organisations non gouvernementales, les instances supranationales, les Etats mêmes, de plus en plus d’entreprises de différents secteurs d’activité s’engagent sur l’intégration managériale du concept de développement durable, sous l’appellation, souvent, de démarches de Responsabilité Sociale de l’Entreprise (RSE) : la Grande Distribution n’en est pas écartée.
De plus, avec les évolutions des habitudes d’achats, les enseignes doivent maintenant faire face à des consommateurs de plus en plus sensibles aux questions environnementales. En effet, selon une étude de Deloitte, 63 % des consommateurs français se disent plus fidèles aux marques qui luttent contre les inégalités sociales et 41 % des moins de 25 ans considèrent la durabilité comme un critère d'achat prioritaire. La tendance durable ou éco-responsable représente donc un atout indispensable à une stratégie globale d’entreprise, et un réel enjeu marketing pour les marques et les consommateurs en 2022.
Pour répondre à cette demande, les marques multiplient leurs actions. Développement de marques de distributeurs positionnées « respect de la planète », « agriculture biologique », « commerce équitable », lutte contre le gaspillage, refonte et écoconception des emballages, suppression des sacs plastiques et des prospectus, ... Autant d’actions qui témoignent d’un effort croissant de la part des enseignes de la grande distribution française pour prendre en considération l’enjeu écologique.
Si les consommateurs veulent en savoir plus sur les mesures prises par les enseignes en matière d’engagement écologique, mettre en avant des actions concrètes permet de générer de la différence. En intégrant le développement durable dans leur proposition de valeur, les marques améliorent ainsi la considération et la préférence aux yeux des consommateurs et consommatrices.
Néanmoins, malgré la surabondance de messages venant des marques, 79% des consommateurs déclarent manquer d'une bonne information pour se décider à agir ou choisir en faveur du développement durable. Les enseignes de grande distribution accueillant ses marques aux engagements nouveaux sont donc associés à leurs communications. Mais ces dernières souvent associées à la surconsommation sont-elles légitimes à porter ses nouvelles valeurs écologiques ? Comment les commerciaux s’adaptent à ces tendances ?
L’appropriation des valeurs écologiques et du concept de développement durable par les enseignes de distribution peut effectivement être remis en cause quant à la légitimité de cette démarche.
Particulièrement en grande distribution, la méconnaissance des salariés vis-à-vis des politiques de développement durable peut entrainer un sentiment d'exclusion. Lié à un discours perçu comme étant essentiellement marketing d’une part et d’une absence de communication interne de la part de l’enseigne d’autre part, plusieurs raisons tendent à expliquer cette méconnaissance.
Ne relevant pas du magasin en lui-même, la distance au niveau organisationnel lié aux actions de développement durable sont perçus comme découlant d’une stratégie du groupe, à visée économique, plus qu’un engagement volontaire et altruiste au niveau d’un magasin en particulier. La communication globale de la grande distribution et son intention éthique n’est donc pas perçue de manière évidente par les salariés qui se sentent détachés, voire désintéressés de celle-ci.
De plus, le fait qu'elle soit exclusivement faite en externe, orientée clients, est perçu comme une asymétrie forte avec leur vécu en interne où la communication auprès d'eux est quasiment inexistante. Les salariés émettent donc des doutes sur la sincérité de l’engagement en raison peut-être du décalage entre l’investissement en communication et l’engagement en pratiques pris sur une partie de la logique de développement durable.
Communiquer, c’est transmettre des informations ou des consignes en s’assurant que le message et les intentions sont bien comprises. Si les informations sur les politiques de développement durable mises en œuvre ne parviennent pas jusqu’aux salariés en magasin de l’enseigne, alors le sentiment d'exclusion déjà mis en évidence à travers la distance entre eux et le niveau des prises de décisions stratégiques croit davantage.
Une formation plus approfondie auprès des distributeurs et de leurs salariés, sur ces innovations écologiques ou encore sur l’évolution des engagements des marques à une démarche éco-responsable, apparait ainsi primordiale. Une marque peut alors soit mettre en place une équipe complémentaire en interne, réorganiser les missions de sa force de vente ou recourir à une équipe externalisée dédiée dont l’objectif est d’assurer la formation et l’activation des ventes (sell-out) en point de vente.
« Que ce soit lors de la présentation de telle ou telle marque lors d’un rendez-vous ou lors de la présentation d’un produit ou d’une technologie, la force de vente peut former et informer sur les aspects écologiques et environnementaux proposés au client. Aujourd’hui, la durabilité et la réparabilité d’un produit sont des enjeux essentiels dans l’arbre de décision du consommateur. Il est nécessaire de compléter les informations fournies par certains distributeur sur ces indices par des détails du fabriquant : durée de disponibilité des pièces, facilité de réparation, centre d’aide à la réparation (physique ou visio).» déclare Raphaël JOUVANCY, Chef des Ventes National Upsell x POLTI
En déléguant ou en mettant en place dans sa stratégie des actions de formation la marque favorise un sentiment de confiance, appuie son discours éco-responsable et reste cohérente avec ses actions. Toutefois, ce changement de valeur n’implique-t-il pas un recrutement plus spécifique ?
S’il peut subsister une réelle différence entre les discours des enseignes envers les consommateurs et les pratiques au sein des magasins, la mise en cause des engagements responsables de la grande distribution en raison de la relation exclusivement marchande entre la centrale et ses fournisseurs peut également être remise en cause.
En effet, les relations avec les fournisseurs, cruciales dans les pratiques de la grande distribution, n’intègrent pas la problématique environnementale et se focalisent uniquement sur le prix, la qualité du produit et le nombre de références proposées. Ainsi, même si le magasin est engagé sur les aspects sociaux et environnementaux, l'impact de ses actions ne portent qu'un faible impact sur les décisions à plus grandes échelles d'un groupe de travailler avec tel ou tel fournisseur.
Les pratiques locales en magasins identifiées au plan environnemental restent donc négligeables et insuffisantes face aux pratiques globales de la chaine de distribution et des engagements énoncés. L’engagement ne peut être pris à l’échelle du magasin mais à celle de l’enseigne. Reste encore à déterminer si la volonté de la grande distribution est aujourd'hui bien là. Autrement dit celle d'un engagement véritablement éthique et responsable, ou si les salariés et consommateurs ont raison de suspecter le caractère délibéré de la réduction de ces démarches à des enjeux exclusivement financiers.
Malgré l’intérêt de ces engagements et les efforts déjà accomplis par la grande distribution en matière de développement durable, il reste aujourd’hui de larges marges de progrès. La problématique de développement durable est parfois perçue en interne comme secondaire face à la rationalité économique dominante de leur enseigne, et du secteur de la grande distribution dans son ensemble.
Pour légitimer ses actions, les démarches doivent être appropriées par les salariés à tous les niveaux de l’organisation. Cela passe notamment par la formation, la sensibilisation, la concertation et l'implication de ses engagements de valeurs pour assurer la dimension de soutien organisationnel.
La communication apparait donc comme l’axe majeur d’amélioration des enseignes de grande de distribution pour répondre aux tendances en faveur du développement durable. Que ce soit en interne pour les salariés, ou en externe pour les consommateurs, la transmission et la prévention sont primordiales pour introduire ses engagements au sein de la grande distribution. L’objectif étant à terme d’assoir une légitimité dans ses actions « éco-responsables » pour qu’elles ne représentent pas qu’une fonctionnalité additionnelle, mais une véritable proposition de valeur associée à la marque en elle-même.